En cette année 2010, année internationale de la biodiversité, l’ASC à organisé son voyage annuel de fin d’année en Egypte, sur le site de Marsa Shagra, dans le secteur de Marsa Alam.
Un très beau voyage, réalisé entre le 28/05 et le 05/06, dans d’excellentes conditions, avec pléthore de très belles plongées pour les 34 participants.
L’intérêt de la destination est multiple.
Une Marsa, c’est une petite baie, au fond de laquelle le récif corallien est interrompu et laisse place à une plage de sable. Marsa Shagra, c’est une marsa typique, dans laquelle s’est installé un écolodge. En fait un hôtel dédié à l’exploration sous-marine, dont la direction a le souci constant de limiter l’impact de la structure sur le site naturel.

Quatre niveaux d’hébergement sont proposés (tentes, huttes, chalets, chalets supérieurs), pour lesquels les prix vont crescendo avec le niveau de nuisance à l’environnement. Le récif est surveillé en permanence et il est formellement interdit de marcher sur le platier, de s’accrocher aux coraux ou de plonger avec des gants.
Elphinstone reef
Le site est situé dans le sud de l’Egypte, dans un secteur où les récifs d’intérêt ne manquent pas. Le plus célèbre d’entre eux, Elphinstone, est localisé directement au large de Marsa Shagra, et il ne faut que 15 à 30 minutes de navigation en semi-rigide pour le rejoindre.

Le site, que certains d’entre nous avons pu plonger par mer d’huile, reste toujours remarquable, au moins par sa topographie et ses paysages. Les tombants abruptes qui s’enfonce dans un bleu profond sans limites, la densité de coraux qui couvre les paroies, le foisonnement des barbiers oranges (Anthias ou Pseudanthias squamipinnis)…
C’est une plongée « ambiance bleue » par excellence. Evidemment, le site est réputé pour ses « grosses rencontres » comme les requins marteaux ou les requins océaniques (longimanus) … et ils ont été particulièrement absents !
Mais la saison n’était pas la plus appropriée et il faut bien avouer que les effets de la surpêche aux requins, partout dans le monde, fini par se ressentir, même sur des spots reconnus comme celui-ci !
Mais à mon goût, l’intérêt principal de Marsa Shagra, c’est que le centre de plongée propose une multitude de plongées différentes via les transports en bateau, en camion et du bord, ces dernières étant à volonté en autonomie.
Check-dive
Bien entendu, avant de pouvoir profiter pleinement de ces plongées à volonté, il nous a fallu subir la traditionnelle « check-dive » : plongée-test où 12 plongeurs suivent 1 seul DiveMaster !
On se demande bien ce qu’il a pu sérieusement évaluer dans ce troupeau…
J’avoue que cette formalité, tout à fait légitime à mon sens (indépendamment de ses modalités pratiques discutables), me fait bien sourire intérieurement, alors que nombre d’institutions internationales de plongées critiquent notre code du sport et notamment son article 322-81-1. Pour mémoire, ce dernier stipule que le Directeur de plongée « évalue » les aptitudes des plongeurs à travers « la présentation d’un brevet, carnet de plongée ou diplôme » ou a défaut « à l’issue d’une ou plusieurs plongée« . Mais bon, nous avons tous été très docile, pour pouvoir être tranquille par la suite.
Après cette première plongée particulière, nous avons pu effectuer les plongées sur le « house-reef » à notre guise.

Le house-reef
Le « house-reef » de Marsa Shagra permet des plongées particulièrement riches et attrayantes. On peut réaliser au moins 6 plongées différentes sur le site, en combinant à sa convenance récif Nord ou récif Sud, départ plage ou bateau et retour plage ou bateau. Il suffit d’inscrire sa palanquée sur le tableau de contrôle en précisant ses desiderata. J’ai particulièrement apprécié ces plongées, lors desquelles nous jouïssions d’une liberté quasi-totale et qui nous ont permis de contempler presque toute la faune et la flore de Mer Rouge.
Pour moi, ces plongées ont d’abord été l’occasion de finaliser la formation pratique Niveau 2 de Joël et de la valider. Il manquait en effet à ce cher Joël 2 plongées pour confirmer ses aptitudes à assister un équipier en difficulté. Deux plongées avec interprétation et remontées en assistances (suivies d’une belle explo à chaque fois) plus tard, et le tour était joué, notre Joël promu Niveau 2 en beauté.

En dehors de ces acrobaties techniques, je retiendrai surtout de Marsa Shagra des récifs coralliens d’une grande qualité. Que ce soit au nord ou au sud, les « house-reef » abritent des jardins de coraux très fournis et quasi-intacts. La densité et la variété des coraux est remarquable. Plonger sur ces récifs en pleine journée, de préférence le matin (pour bénéficier d’une lumière maximale) est la garantie d’un festival de couleurs.

Les poissons coralliens y grouillent littéralement et on a vraiment l’impression d’être dans un aquarium d’exception.

Dés le départ de la plage, poissons-ballons, syngnathes, raies pastenagues à points bleus et rascasses volantes se bousculent. En s’éloignant un peu, on trouve même quelques anémones habitées par des poissons clowns.

Et puis, le récif réserve des surprises plus consistantes pour qui sait regarder autour de lui. Ainsi, sur le sable à une vingtaine de mètres de profondeur, avec Joël, j’ai croisé la route d’une superbe raie pastenague grise à tâche noire (Taeniura melanospilos) de 2 à 3 mètres d’envergure !
Les barracudas, regroupés en un banc compact, hantent le récif nord, où ils se donnent en spectacle dans le bleu. Tel un peloton de cycliste, le leader quitte régulièrement sa position et nage à contresens pour regagner l’arrière du banc.

Les tortues ne sont pas rares, et cerise sur le gateau, les requins pointe-noire (Carcharinus melanopterus) sont encore des habitués du secteur. Des juvéniles croisent régulièrement dans 10 ou 20 cm d’eau devant la plage, mais il fallait se lever tôt pour les voir. Et puis, chance ultime, nous avons croisé un adulte d’un bon mètre cinquante sur le récif sud, à 100 mètres du bord. Certes, il ne s’est pas arrêté pour la photo, mais quel bonheur de savoir qu’il reste des sites où les trouver !
Plongée-camion sur Marsa Abu Dabab
Notre forfait comprenait aussi des « Plongées-camions » (ou Truck Dive) qui nous ont permit de visiter quelques autres sites intéressants. Le plus remarquable d’entre eux est incontestablement Marsa Abu Dabab. Cette baie abrite une grande plage aménagée, prisée des Italiens qui fréquentent le complexe hôtelier à l’extrémité sud du site. De part et d’autre, le récif corallien. Au milieu, une vaste étendue sableuse recouverte d’un herbier entre 5 et 20 mètres. Un herbier, les « poireaux » comme disent certains plongeurs, aucun intérêt doivent penser certains … Bien au contraire !!! Cet espace regorge d’espèces inattendues … et en particuliers d’énormes tortues qui viennent se rassasier de verdure. Le site est également connu pour la possibilité de croiser un Dugong.


[fond orange]Le Dugong, ou vache de mer, est un mammifère marin herbivore appartenant à l’ordre des siréniens (comme les Lamentins). Ils vit en eaux tropicales, dans tout le bassin indo-pacifique, mais l’espèce est menacée (braconnage, hélices, filets, destruction des herbiers …). On estime la population mondiale à 50-90 000 individus, essentiellement en Océanie et dans le golfe persique. En mer rouge, il y aurait quelques milliers d’individus (2000 ? 4000 ?) dont quelques dizaines en Egypte.
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Certes, on nous a prévenu, que le Dugong était rare sur le site. Non-vu pendant 2 ans, il a toutefois été observé 1 mois avant notre venue. C’est donc avec un minimum d’espoir que nous partons à l’eau. La plongée consiste à se partager le temps entre le récif sud et l’herbier.


Notre aller le long du récif corallien sera bien plus riche que prévue. Les coraux sont en bon état et l’endroit est poissonneux.
Nous verrons même un superbe poisson pierre posé sur le sable.
A l’extrémité du récif, les petites patates de corail se succèdent, rivalisant de curiosité à découvrir : poissons hachettes, nudibranches, rascasses volantes noires, tortue en transit… Un vrai régal.

Découverte du Grogong
Et puis, régulièrement, un coup d’œil vers le sable, là bas en direction de l’herbier, au cas ou … Et là, surprise ! Un gros nuage de sable se profile à l’horizon. Mon pouls s’accélère, je n’ose y croire, le Dugong serait-il donc au rendez-vous ?

Le nuage se rapproche, une ombre se dessine progressivement … et la déception s’abat sur moi !
Ce ne sont que 2 plongeurs, équilibrés comme 2 enclumes sans nageoires, remuant le sable à grands coups de palmes. De simples « Grogongs ».
La déception est double, car ce sont des plongeurs de notre groupe, et je ne suis pas très fier de cette observation.
Passé cet incident, nous traversons le sable dans l’autre sens et gagnons l’herbier. Après quelques minutes de prospection, la récompense est là : une tortue broute allègrement sans se soucier de notre présence. Puis une autre, beaucoup plus grosse. Séance photo. Les rémoras collés sur sa carapace sont tout à fait respectables. Puis c’est le tour d’une raie-guitare de traverser l’herbier en balançant de droite à gauche.

Le temps approche l’heure de plongée, et pas de Dugong en perspective. Je désespère un peu, mais c’était sans compter sur Seb, l’œil vif, qui brutalement retire son embout et jette sa tête nerveusement sur le fond sablonneux en mimant les mouvements saccadés de broutement du Dugong !
Je suis pris d’un fou rire qui provoque de nombreuses entrées d’eau dans mon masque. Ce Seb est vraiment impayable.
Le Dugong restera invisible ce jour là. Mais nous aurons eu la chance de découvrir une nouvelle espèce : le Grogong. Tour à tour specimen à forte flottabilité négative générant un épais brouillard de particules, puis individu saugrenu et fougeux imitant à l’improviste le mammifère herbivore tant convoité.
La plongée se terminera avec encore quelques tortues en remontant progressivement vers la plage. Premiers à l’eau, nous sommes la dernière palanquée à sortir.

Le Dugong n’était pas là, mais la plongée aura marqué tout le monde quand même. Belle expérience. A renouveler, très certainement. Et sacré Grogong !